J’ai toujours détesté les ponts. La peur du vide ? De l’eau ? Rien de tout ça. Simplement celle d’être engloutie par les
eaux. On se croit en sécurité dans nos voitures costumisées, mais face à la puissance du courant, on est bien impuissant.
Qui peut faire de la voile sans vent
Qui peut ramer sans rame
Et qui peut quitter son ami
Sans verser une larme
J’ai toujours détesté les ponts. J’en ai vu des courts, des maigres, des longs. Mais jamais je n’ai aimé être sur un
pont. Ils se pavanent, se montrent, s’exhibent. Sans pudeur, sans retenue, et pourtant, ils font peur. Ils sont très bas ou très hauts, pour piétons
ou pour vélos.
Je peux faire de la voile sans vent
Je peux ramer sans rame
Mais je ne peux quitter mon ami
Sans verser une larme
C’était un pont comme tous les autres, au centre ville, sur la rivière. Chaque année, je passais devant, car mon pont à moi,
c’était le précédent. Chaque année, je voyais cette rivière, toujours sèche en été.
Qui peut voir le coucher le soleil
Sans que la nuit ne tombe
Et qui peut trouver le sommeil
Sans que son coeur s’effondre
Je traversai le pont, encore une fois. Je n’étais pas rassurée, mais je n’avais pas le choix. Virée en famille, direction les
cousines. Tout était parfait, le week-end s’annonçait. On ne se voyait pas souvent, merci les parents. Mais je ne leur en veux pas, ils font leurs propres choix.
Je peux voir le coucher le soleil
Sans que la nuit ne tombe
Mais je ne peux trouver le sommeil
Sans que mon coeur s’effondre
Avec la cousine, on explorait la ville. Il était plutôt tard, tout le monde avait l’air hagard. Après des heures à bouger, on
rentrait à pied. Tant bien que mal, on arrivait à destination. La route était calme, les voitures peu nombreuses. Encore une fois, je traversai le pont.
Qui peut croire un instant à l’amour
Quand tant d’hommes se battent
Et qui peut oublier un jour
Le monde et son massacre
Finalement, j’avais raison. Un pont, c’est dangereux. Ca peut tomber, s’effondrer, et nous engloutir tout entier. L’eau fait peur
pour ceux qui ne savent pas nager, mais le malheur, c’est de ne pas savoir voler.
Je peux croire un instant à l’amour
Quand tant d’hommes se battent
Mais je ne peux oublier un jour
Le monde et son massacre
L’eau ne te fit aucun mal ce jour-là, tu ne la vis même pas. Il faisait tellement chaud qu’il n’y en avait plus. Comme tous les
étés, depuis des années, la rivière était sèche, on n’en voyait que le fond. Quand je revois ce pont, je fixe les cailloux. Cette nuit-là, j’aurais aimé qu’ils soient mous.
Où est la maison
Où est la rue
Où est le petit garçon
Que j’ai connu
Le pont ne s’est pas effondré, rien ne s’est écroulé, mais tu es monté, puis tu as sauté. Personne ne t’a retenu, car personne ne
t’a vu. J’aurais tellement aimé être là, que tu tombes dans mes bras. Tu venais de loin, tu n’allais pas bien. Tout le monde t’aimait, personne ne l’a remarqué.
Voici la maison
Voici la rue
Voici le petit garçon
Que j’ai connu
Tu as changé de pays, tu avais l’air heureux. Ce n’était pas le cas, tu n’en serais pas arrivé là. Ta famille l’a appris, à des kilomètres d’ici. Tu n’as pas laissé de mot, pas la moindre explication. Ils n’ont pas compris, personne n’a compris. Nous étions démunis, nous
restions en vie.
Where is the home
Where is the street
Where is the little boy
That I used to know
This is the home
This is the street
This is the little boy
That I used to know
La Terre n’est plus pour toi, tu es parti dans l’au delà. Tu ne tomberas pas de ce pont
là.
J’espère simplement que c’est mieux, là-haut au paradis.
Ce que j'avais écrit n'a plus rien à faire là, certains sauront pourquoi.
Pour toi Mat, qui voulais en finir, et es passé à l'action, sans entrevoir aucune autre solution.
La suite de PLV est en cours d'écriture, elle devrait vite arriver.
J'ai peur, vraiment.
Gros bisous ma loulou